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12 septembre 2023

Une question de ressource

Le constat fait aujourd’hui l’unanimité : les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés nous imposent de rompre avec le modèle linéaire de production/consommation « extraire, transformer, consommer, jeter ». Mais la société et le législateur ont trop pensé à cette question de la diminution de nos impacts sur l’environnement sous l’angle de la diminution de la quantité de déchets, alors qu’il faudrait l’envisager surtout en termes d’utilisation des ressources.

Dans une économie circulaire : gestion de la ressource …

Le constat que nos ressources naturelles fossiles et minérales s’amenuisent appelle la mise en place d’une économie circulaire, dont l’objectif est avant tout de supprimer les impacts environnementaux liés au cycle de production initial de la matière (extraction, transformation, transport) qui représente l’essentiel des impacts d’un produit.

Pour cela, il est nécessaire :

  • de limiter le prélèvement sur nos ressources naturelles,
  • de prolonger l’usage de cette ressource le plus longtemps et le plus efficacement possible.

 

Les conditions de réussite de la mise en place d’une économie circulaire reposent donc autant sur une minimisation de l’extraction que sur l’efficacité d’usage, c’est-à-dire la mise en place d’un système efficace de récupération et de réutilisation de cette ressource, par exemple en termes de taux de récupération, de vitesse de rotation, de durée d’usage…, qui peuvent varier en fonction des produits et des services rendus par ces produits.

… et des déchets sous contrôle.

Une fois les systèmes établis et l’usage circulaire de la ressource mis en place de la façon la plus efficace possible, il n’est pas différenciant en termes d’efficacité ou de circularité que cette ressource passe ou non par un statut de déchet. Cela dépend uniquement de l’organisation établie.

En effet, on peut soit réutiliser directement le produit fabriqué avec la ressource (par exemple l’emballage lui-même, et on ne passera alors pas par un statut de déchet) soit récupérer et réutiliser la matière constitutive du produit usagé et « jeté » (par exemple en recyclant la matière de l’emballage). L’objet passera alors par un statut de déchet, dans la mesure où l’on considère, par convention, qu’il est mis au rebus. Mais, dans un système d’économie circulaire, ce « déchet » n’est pas ultime et constitue une matière première dite secondaire. Le choix entre les différentes solutions devra se faire en fonction de l’efficacité de chaque système et le passage par un statut juridique particulier ne change normalement pas ces paramètres.

Pour autant, la question des déchets reste un problème dans nos sociétés, pour deux raisons distinctes :

  • Au niveau des impacts environnementaux, ce qui est problématique et doit être analysé, ce n’est pas tant la quantité totale de déchets mais les déchets problématiques, soit qu’il s’agisse de déchets sauvages (c’est à dire de produits usagés abandonnés dans la nature, problématique dont s’est particulièrement saisie la directive Single Use Plastic), soit qu’il s’agisse de résidus et déchets ultimes ne pouvant pas être circularisés.
  • Au niveau économique et sociétal, ils sont encombrants et leur gestion est complexe. L’organisation et le financement de la circularité des ressources avec ou sans passage par le statut de déchet n’impliquent effectivement pas les mêmes acteurs. Pour autant ils sont nécessaires dans les deux systèmes.

 

Un problème déplacé mais non résolu

En ce qui concerne les déchets d’emballages, apparait la solution d’en réduire les quantités, voire de les supprimer complètement. Puisqu’il n’est pas possible de supprimer les emballages, les politiques publiques s’orientent donc naturellement vers la facilitation de la mise en place de l’autre mode d’organisation de la circularité, sans passage par le statut de déchet : le réemploi de l’objet.

Dans la réalité, faire appel à des emballages réemployables va demander, comme dans le cas du recyclage, de mettre sous contrôle et de gérer un flux de produits, qui ne seront effectivement plus considéré comme des déchets, mais resteront une source d’encombrement et de coûts.

L’utilisation efficace d’emballages remployables nécessitera la prise en charge physique de flux afin de les récupérer pour les remettre en circulation et éviter les abandons ou pertes. Il y aura donc toujours des opérations de collecte et de tri, suivies d‘opérations de contrôle, de nettoyage et de réparations. Cela aura nécessairement un coût. Pour assurer la disponibilité de ces emballages, faire face aux pics de consommation et préserver la fluidité de la circularité, des espaces de stockage seront également nécessaires à différentes étapes.

Pour les deux systèmes, la gestion des flux dans leur dimension physique est donc assez similaire. Les deux modes de gestion coexistent d’ailleurs déjà dans le monde industriel, mis en place de longue date en fonction d’arbitrages économiques et logistiques et de façon efficace. Coût et encombrement ne sont pas supprimés mais sont déplacés de l’espace public vers celui des entreprises et du consommateur. Sans compter que les emballages réemployables ne pourront pas l’être indéfiniment. Cassés, trop abimés ou perdus, ils deviendront alors eux aussi déchets, prêts à rentrer dans un schéma de circularité via le recyclage.

Tout ceci ne présume cependant pas de la deuxième condition de la mise en place d’une économie circulaire : prolonger de façon efficace l’utilisation de la ressource. Le déplacement des problématiques logistique et économique de la sphère sociale vers la sphère économique permet-il une utilisation plus efficace des ressources et une meilleure organisation de la circularité, incluant un moindre impact environnemental ? Cette question doit évidemment être tranchée.

La motivation première des règlementations mise en place ou en réflexion devrait, avant tout, être de permettre l’usage efficace des ressources extraites, dans des systèmes qui seront nécessairement multiples, adaptés aux différentes situations et le mieux à même de diminuer nos impacts sur l’environnement, tout en pilotant les déchets sauvages et en assurant la diminution des déchets ultimes.

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